Word Economy par Marion Olharan Lagan

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Lectrice à chats (et autres animaux)
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Le non book club

Lectrice à chats (et autres animaux)

Notre rapport aux animaux et Sigrid Nunez en force pour ce NBC #12

avr. 06, 2025
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Egun on1 !

Il y a un an, je recommençais à alimenter cette newsletter en me concentrant sur ce que je fais depuis le plus longtemps : lire et commenter ces lectures. Pendant plusieurs mois le non book club mensuel a été la seule newsletter que j’envoyais régulièrement, et c’est ce non book club qui m’a permis de commencer à tisser un réseau substack (oui,

Julia Marras
je parle de toi !).

Word Economy c’est la newsletter en construction : beaucoup de civilisation étasunienne entre économie, tech (mon ancien métier)et pop culture (toujours mon métier), mais aussi des livres (ma vie). Elle s’adresse aux curieux.ses qui veulent s’informer en riant à gorge déployée dans un grand champ de fleurs virtuels.

Capitalisme de l'attention activé

Je vous rappelle les règles de ce non book club :

  • Je ne liste que les livres que je lis sans visée « utilitariste ». Je n’y mentionne pas les livres que je lis pour mon travail, à moins d’avoir eu une révélation (apocalypse?) en les lisant. La frontière est donc perméable.

  • Je ne détaille que les livres avec lesquels il y a eu rencontre (de quelque type que cette rencontre soit).

  • Je ne parle pas de livres offerts par des professionnels, maisons d’édition… S’ils sont offerts par des ami·e·s, je le précise.

  • J’exclus les livres commencés, mais pas finis.

  • Je ne résume pas les livres. Pour les fiches de lectures, vous avez Babelio & co.

Aujourd’hui, vous allez toustes rencontrer Mitz. Prêt•e•s ?

Merveilleuse Mitz

En mars, j’ai continué mes lectures de Sigrid Nunez, mais c’est Mitz, la biographie non autorisée du ouistiti de Bloosmbury, qui m’a enchantée. Mitz est un ouistiti ou marmouset (marmoset en anglais) qui vécut - pas de son choix- avec Virginia et Leonard Woolf peu avant la 2e guerre mondiale.

Dessin basée sur le portrait de Gisèle Freund réalisé en 1939 - année de la mort de Mitz

Oui, j’ai été enchantée par le récit de Nunez qui - à une exception près- ne raconte Mitz qu’à travers les traces qu’elle a pu trouver dans les mémoires, lettres et autres textes des membres du groupe de Bloomsbury - un groupe d’intellectuel·le·s anglais·e·s qui ont échangé et créé ensemble et à côté du début du XXe siècle jusqu’à la 2e guerre mondiale. J’ai eu l’impression d’être plongée dans un monde parallèle qui se concentrerait sur le plus vulnérable parmi le vivant - les animaux non humains.

Mitz m’a invitée à réfléchir à ma propre vulnérabilité, mais aussi à la difficulté et l’importance de respecter les limites de l’autre - ici un ouistiti- dans la relation inter-espèce qui se construit. Cela vaut pour toutes les relations. Ainsi au printemps 1935, les Woolf partent en voyage en Italie et en France, mais décident de passer par l’Allemagne nazie. Quelle excellente idée ! Leonard Woolf est juif, la décision ne se prend donc pas sans réflexion et les Woolf partent armés d’une lettre de l’ambassadeur allemand en Angleterre qui doit faire office de laissez-passer. C’est en réalité Mitz qui va être leur protection la plus efficace, les responsables nazis et la population allemande se pâmant devant le ouistiti, et exprimant une adoration pour celui-ci qui n’a rien de l’empathie et tout de l’objectification.

Quant aux Français…

(“We had at last, after traveling 2,469 miles . . . reached a country in which a marmoset was not a dear, little thing.”) The sangfroid with which the French reacted to Mitz increased Leonard’s respect for that people immensely.

("Nous avions enfin, après avoir parcouru 2 469 miles … atteint un pays où un marmouset n'était pas une petite chose trop mignonne"). Le sang-froid avec lequel les Français réagirent face à Mitz renforça considérablement le respect de Leonard pour ce peuple. traduction par mes soins

Ce qui m’a aussi enchantée dans Mitz, c’est que le récit, sous prétexte de la biographie non autorisée du ouistiti, offre, bien sûr, une autre biographie, celle des quatre années où le petit singe vécut avec les Woolf. A plusieurs reprises, Virginia est d’ailleurs comparée à Mitz, et la comparaison n’a rien de réducteur. C’est leur désir de liberté et le refus des symboles et des responsabilités qui semble le plus souvent réunir les deux protagonistes.

Could literature be taught? Should a writer accept honors? (No, said Virginia, most emphatically. She herself refused the offer of a Companion of Honour, and when asked to replace H. G. Wells as president of PEN, she exploded: “Conceive the damned insolence! Ten dinners a year, and I to sit at the head of this puling company of back scratchers and administer balm.”)

La littérature pouvait-elle être enseignée ? Un écrivain devait-il accepter les prix ? (Non, dit Virginia, de la manière la plus catégorique. Elle-même refusa d’être décorée de l’ordre des Compagnons de l’honneur*, et lorsqu'on lui a demandé de remplacer H. G. Wells à la présidence de PEN**, elle s'emporta : « Imaginez cette maudite insolence ! Dix dîners par an, et je devrais siéger à la tête de cette compagnie de ouin-ouins lécheur·ses de bottes et leur passer la pommade"). traduction familière par mes soins

*L’équivalent de l’ordre des Arts et des Lettres **Une association d’écrivain·es internationale

Leur santé fragile est un autre point commun… D’ailleurs, Leonard est l’aidant principal du ouistiti comme de Virginia. Il suit de près leur bien-être, s’assure qu’elles dorment bien et mangent correctement. Dans ce couple, il semble que la charge mentale incombe principalement à Leonard. Mais là où Virginia essaie de se connecter à Mitz le fait par le biais d’un anthropomorphisme évident, Leonard reste à une distance qui lui permet aussi de mieux s’occuper de Mitz en se concentrant sur des choses simples : la primauté du corps, de la santé. Leonard ne demande pas à Mitz d’être un substitut à un humain, ou pire, un enfant. Mitz est Mitz. Il n’est ni son père, ni son propriétaire, mais un gardien qui veille à respecter son intégrité physique.

Néanmoins, cela n’empêche pas Sigrid Nunez d’inventer là où il n’y a pas d’histoire verbale possible de la part du ouistiti. Les dernières pages de la biographie non autorisée sont une fiction réparatrice qui retrace l’enlèvement de Mitz à son Brésil natal et sa traversée de l’Atlantique pour atterrir dans le brumeux et humide Londres. Je vous en livre juste un extrait où Sigrid Nunez marie l’humour pour mieux faire naître la mélancolie, et nous rappeler l’étrangeté de l’autre, qu’il soit un animal humain ou pas.

Day after day Mitz sat in the window staring out at the street: so busy; so often murky with rain or fog. No green anywhere. How was it possible for the world to have changed so completely? Looking out, Mitz saw nothing to remind her of home. But then one day—it was the hour when the lamps came on—she was astonished to see—could it really be?—the panther! Not dead after all, but walking by under her very nose. Oh, it was he all right: his black fur, his topaz eyes—but shrunk to such a puny size—why, he was hardly bigger than a spider monkey! And no one seemed to be afraid of him, no one was paying him the least attention.

Jour après jour, Mitz s’asseyait à la fenêtre et regardait la rue : si animée, si souvent floutée par la pluie ou le brouillard. De vert, nulle part. Comment le monde avait-t-il pu changer si complètement ? En regardant dehors, Mitz ne voyait rien qui lui rappelle son pays. Mais un jour, à l'heure où les lampes s'allumaient, elle fut stupéfaite de voir - était-ce bien vrai ? - la panthère ! Elle n'était pas morte, mais elle venait de lui passer juste devant. Oh, c'était bien elle : son pelage noir, ses yeux de topaze, mais réduite à une taille si chétive - à peine plus grande qu'un singe-araignée ! Et personne ne semblait avoir peur d’elle, personne ne lui prêtait la moindre attention. Traduction par mes soins.

Si vous lisez cette biographie non autorisée, je vous invite à prendre un paquet de mouchoir (ou deux - mais j’ai la lecture poreuse).

Le livre n’est plus ou pas disponible en français : HONTE. Pour une traduction familière (voire plus haut), je veux bien prêter mon aide à une réelle traductrice assermentée. Rendons Mitz aux francophones !

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N’hésitez pas à partager votre rapport aux animaux. Il m’intéresse. De mon côté, j’aimerais ne pas anthropomorphiser, mais je compose régulièrement des chansons qui mettent en scène le chat et le chien dont je suis la gardienne et je leur donne des caractéristiques bien humaines…

Je réserve la suite aux abonné·e·s payant·e·s car celle-ci est plus… brute ce mois-ci. Beaucoup de travail, peu de sommeil ! Voici donc la liste de mes lectures - un très bon cru en ce mois de mars.

Si vous vous arrêtez ici, je vous souhaite un excellent dimanche avec Mitz !

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